DIVERSITÉ ET PARITÉ : DES INCITATIFS POUR LA CROISSANCE
Mardi 22 septembre 2020
Le 17 septembre 2020, le lancement du magazine Premières en affaires a donné lieu à une discussion sur le thème des femmes de pouvoir qui gèrent des responsabilités financières et leur place dans le cheminement vers la création de richesse
Florence Dujoux
Si les études démontrent que la diversité des équipes est gagnante pour la performance des entreprises, la proportion de femmes qui occupent des postes de direction augmente lentement : parmi les 24 entreprises québécoises qui valent plus de deux milliards en bourse et qui ont progressé le mieux en 2019, on compte 16% de femmes, en moyenne, dans des postes de haute direction.
« Les femmes complètent admirablement bien la gestion de leurs collègues masculins », analyse Robert Dumas, président et chef de la direction Financière Sun Life. Il indique que, d’après plusieurs sondages, elles ont une approche plus long terme dans la gestion d’une entreprise, sont plus holistiques dans leur vision, ont une meilleure gestion de la perception du risque et une meilleure capacité à s’entourer.
Cynthia Garneau, présidente et chef de la direction de VIA Rail, croit que le mode de gestion d’un individu est étroitement lié à ses valeurs. Même son de cloche chez Geneviève Mottard, CPA, CA présidente et chef de la direction de l’Ordre des CPA du Québec pour qui « les hommes et les femmes portent un poids décisionnel sur différentes valeurs, et c’est la mixité de ces valeurs qui fait que le rendement est amélioré ».
5 accélérateurs-clés sont ressortis des échanges quant aux meilleures façons de soutenir l’accession des femmes à des postes où elles peuvent déployer pleinement leurs compétences en matière de gestion de responsabilité financières.
1 – Impliquer les hommes
Tous les acteurs de l’industrie financière cherchent à avoir plus de femmes au sein de leur management, aux postes de direction et au conseil d’administration. « Ce n’est pas la responsabilité uniquement des femmes de s’auto-promouvoir », affirme Robert Dumas. Il préconise de commencer par adresser un message clair des dirigeants en faveur de la diversité, puis de s’appuyer sur les convertis pour conduire le changement et le cascader à tous les niveaux hiérarchiques.
« Ce n’est pas la responsabilité uniquement des femmes de s’auto-promouvoir », - Robert Dumas
2 – Chiffrer ses objectifs
« Il faut passer d’une ambition d’avoir de la diversité à un engagement », estime Robert Dumas, qui recommande de définir le pourcentage de postes à occuper par des femmes et de se fixer un calendrier. Et les quotas ? La position de Geneviève Mottard, qui préside l’ordre des l’Ordre des CPA du Québec et Cynthia Garneau, présidente et chef de la direction de VIA Rail, à évolué dans les dix dernières années. Elles y ont toutes les deux favorables. Maxime Ménard, président et chef de la direction de Jarislowsky Fraser, préfère chercher à identifier des personnes de talent, en prenant en compte le genre et la diversité.
3 – Laisser les femmes se faire confiance
« Les femmes ont moins de tolérance pour gérer l’ambiguïté, ce qui fait en sorte qu’elles hésitent plus à prendre des postes de direction », relève Geneviève Mottard, qui croit à la nécessité de véhiculer des messages positifs.
4 – Accompagner les femmes
Si Citigroup a récemment annoncé la nomination de Jane Fraser à sa tête, il y a encore un manque de modèles féminins dans la plupart des organisations. « Les femmes comme moi qui ont le privilège d’être dans des positions de haute direction doivent se faire un devoir d’être des modèles », affirme Geneviève Mottard.
« Les femmes comme moi qui ont le privilège d’être dans des positions de haute direction doivent se faire un devoir d’être des modèles » - Geneviève Mottard
5 - Travailler sur l’image de l’industrie financière
« L’enjeu, c’est d’être capable de pouvoir bâtir des équipes diversifiées, d’intéresser les femmes aux métiers de gestionnaires et d’analystes », partage Maxime Ménard. Jarislowsky Fraser fait beaucoup d’efforts au niveau des universités pour intéresser les jeunes femmes à la finance. Geneviève Mottard relève que l’industrie financière a la réputation d’être très exigeante, et que beaucoup de jeunes femmes se posent la question de la possibilité de conjuguer un poste à responsabilité à des valeurs familiales.
« L’enjeu, c’est d’être capable de pouvoir bâtir des équipes diversifiées, d’intéresser les femmes aux métiers de gestionnaires et d’analystes », partage Maxime Ménard.
Plus de femmes à la tête des entreprises signifie qu’elles acquièrent un certain capital. Quelles relations entretiennent-elles avec leurs finances personnelles ?
Attention à ne pas tomber dans les stéréotypes, avertit Robert Dumas, qui insiste sur l’importance des facteurs générationnels et culturels. « À littératie financière équivalente, les besoins et les perspectives sont différents. L’homme va aller chercher l’enrichissement, la maximisation du rendement. La femme, c’est beaucoup plus la protection du noyau familial et du patrimoine, le long terme », partage-t-il.
D’après un sondage, 70% des femmes veulent investir dans des placements qui favorisent le développement durable, contribuant à redéfinir les critères de succès. Robert Dumas relève que dans les 18 derniers mois, plusieurs des plus grands investisseurs mondiaux ont décidé que le succès d’une organisation ne devrait pas se mesurer tous les trimestres, mais avec une perspective beaucoup plus longue. Selon lui, cette évolution est liée à l’essor des critères de responsabilité sociale, les ESG (Environnement Société Gouvernance).
Maxime Ménard juge la situation de l’ESG complexe, car les comportements de consommation tardent à s’aligner avec les critères d’investissement. « Il faut avoir le capital un peu plus patient, mais il faut aussi consommer de façon cohérente avec les objectifs qu’on donne à nos placements », résume Marie Grégoire, éditrice de Premières en Affaires.
« Il faut avoir le capital un peu plus patient, mais il faut aussi consommer de façon cohérente avec les objectifs qu’on donne à nos placements » - Marie Grégoire
À Robert Dumas souligne que prêteurs et investisseurs regardent de près la performance en termes de responsabilité sociale, si bien que l’accès au capital va être déterminé par la performance en termes de diversité ». Selon son analyse, « la diversité devient un avantage compétitif pour ceux qui l’utilisent » : un incitatif qui pourrait bien devenir le vecteur d’une réelle transformation sociale.
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