Gérer en temps de crise : entrevue avec Dominique Anglade
Dominique Anglade a été élue à la direction du Parti Libéral du Québec le 11 mai dernier. C’est la nouvelle cheffe de l’opposition officielle et la première femme à diriger cette formation, qui est le plus ancien parti de la province. Marie Grégoire s’est entretenue avec elle pour parler de son quotidien depuis le début de la crise.
Tisser des liens, c’est le cœur de la politique. Comment avez-vous fait campagne pendant le confinement?
J’ai commencé ma campagne au mois de juin 2019. J’avais déjà fait des tournées sur le terrain et parcouru près de 30 000 kilomètres pendant la majeure partie de la campagne avant la pandémie. Le 13 mars, je revenais de Baie-Comeau quand les mesures de confinement ont été annoncées. On avait 27 évènements planifiés à ce moment-là et il a fallu s’ajuster. On a pris la décision d’annuler les déplacements avant de suspendre la campagne, une semaine après l’annonce du confinement.
« J’avais déjà fait des tournées sur le terrain et parcouru près de 30 000 kilomètres pendant la majeure partie de la campagne avant la pandémie.» - Dominique Anglade
À quoi ressemble votre quotidien depuis le 13 mars?
J’ai joué pleinement mon rôle de députée pendant la crise, dans ma circonscription. Nous avons préparé, par exemple, un panier d’épicerie pour répondre à des besoins immédiats. Après les deux premières semaines de confinement, on s’est organisés, depuis le bureau de Saint-Henri-Sainte-Anne, pour faire des suivis et aider, par exemple, ceux qui essayent de rejoindre leurs proches dans les CHSLD, ou pour contacter la Santé publique quand il fallait retracer certains cas de contamination.
« Il faut aujourd’hui, encore, et même après les annonces des dernières mesures, une aide directe aux entreprises. Les prêts et les garanties de prêts ne suffisent pas. » - Dominique Anglade
Je me suis aussi rendue disponible pour les entrepreneurs qui étaient dans l’urgence. J’ai appelé les porte-paroles de l’économie des autres partis d’opposition et nous avons organisé des rencontres téléphoniques hebdomadaires avec le ministre Fitzgibbon. Nous avons aussi échangé avec les chambres de commerce locales dans les régions du Québec. Un constat s’impose : il faut aujourd’hui, encore, et même après les annonces des dernières mesures, une aide directe aux entreprises. Les prêts et les garanties de prêts ne suffisent pas.
Vous mentionnez la conversation hebdomadaire avec le ministre Fitzgibbon. Dans les processus, est-ce que la politique roulait différemment et pour le mieux pendant la crise?
La communication avec le gouvernement fonctionnait bien. On allait tous dans le même sens. En revanche, si certains enjeux étaient dans l’impasse, il n’y avait pas de mécanisme pour débloquer les choses et régler les situations. La capacité d’agir était limitée. Les moyens de faire pression pour des projets porteurs ont fait défaut.
Vous êtes maman de trois enfants qui étaient à la maison avec vous pendant le confinement. Ça demande de la coordination. Comment ça s’est passé?
Mes enfants ont 13 ans, 11 ans et 8 ans. J’ai tout de suite acheté des cahiers d’exercices pour l’année. En tant que maman qui travaille tout le temps, on se sent parfois coupable. On travaille à temps plein et on a les enfants à temps plein. Ce n’est pas une situation idéale. Ma fille de onze ans a le sens de l’organisation. Elle a organisé bien des choses à la maison et tout le monde a aidé. Mon conjoint adore cuisiner. Ça a fait la différence.
Comment voyez-vous le bilan de cette gestion de crise?
J’ai parlé avec le fils du préposé au bénéficiaire qui est décédé. Il est âgé de 11 ans et il n’a plus de père. Il y a eu des moments difficiles. En tant que députée, j’ai aidé au meilleur de mes capacités. Mais il y a eu trop de décès pour faire un bilan positif. Dans les conférences de presse, le son de cloche était différent de ce qui se passait sur le terrain où le personnel et les appareils thérapeutiques faisaient défaut. On avait des signes de menace de pandémie dès le mois de janvier 2020 et la cellule de crise est arrivée trop tard. Sommes-nous vraiment prêts pour la deuxième vague? On ne semble pas mieux préparés à l’heure actuelle.
Vous avez aimé cette entrevue ? Dans le prochain magazine papier qui sera publié à l’automne 2020, Dominique Anglade donnera son point de vue sur la relation des femmes avec le pouvoir. Vous pouvez vous abonner pour nous aider à remplir notre mission. Chaque geste compte !