Harcèlement au travail : les limites à ne pas franchir

Mardi 8 septembre 2020

Manon Poirier compte plus de 25 années d’expérience en ressources humaines, et a notamment occupé le poste de vice-présidente aux ressources humaines pour les YMCA du Québec. Depuis 2016, elle est directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.

Musée des Beaux-Arts de Montréal, Bureau de la Gouverneure générale : les affaires de harcèlement en milieu de travail ont défrayé la chronique à la fin de l’été. La culture du milieu de travail a changé. Les cadres ne peuvent plus se permettre les mêmes comportements avec les employés. Quelles sont les limites à ne pas franchir? Florence Dujoux fait le tour de la question avec la directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.


 

 Comment se définit le harcèlement psychologique au travail?

Manon Poirier compte plus de 25 années d’expérience en ressources humaines, et a notamment occupé le poste de vice-présidente aux ressources humaines pour les YMCA du Québec. Depuis 2016, elle est directrice générale de l’Ordre des conseillers en re…

Manon Poirier compte plus de 25 années d’expérience en ressources humaines, et a notamment occupé le poste de vice-présidente aux ressources humaines pour les YMCA du Québec. Depuis 2016, elle est directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.

Le harcèlement psychologique inclut le harcèlement sexuel, dont on a beaucoup parlé récemment dans les médias. C’est une conduite vexatoire, à travers des mots, et ce sont aussi des comportements ou des gestes hostiles, qui vont porter atteinte à un employé, à sa dignité, à son intégrité physique ou psychologique. Souvent, il y a un élément de répétition caractéristique, mais un geste unique plus grave peut constituer du harcèlement aussi.

Comment faire la distinction entre les exigences de productivité et le harcèlement?

La ligne entre le harcèlement et les exigences se trouve dans le respect, dans la façon de faire les choses. Les impératifs de performance ne sont pas une excuse pour manquer de respect aux autres, pour les humilier publiquement ou pour dénigrer la qualité de leur travail. Il y a plein de gens très exigeants avec lesquels les équipes ont le goût de travailler car ce sont des leaders qui les amènent plus loin.

« Les travaux de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés montrent qu’il n’y a pas de recrudescence de cas, mais que les gens, à juste titre, acceptent moins les comportements de harcèlement et les dénoncent davantage. » - Manon Poirier


Comment faire la distinction entre les exigences de productivité et le harcèlement?

La ligne entre le harcèlement et les exigences se trouve dans le respect, dans la façon de faire les choses. Les impératifs de performance ne sont pas une excuse pour manquer de respect aux autres, pour les humilier publiquement ou pour dénigrer la qualité de leur travail. Il y a plein de gens très exigeants avec lesquels les équipes ont le goût de travailler car ce sont des leaders qui les amènent plus loin.

Les récentes affaires reflètent-elles une hausse des cas ou un changement de culture au travail?

Les travaux de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés montrent qu’il n’y a pas de recrudescence de cas, mais que les gens, à juste titre, acceptent moins les comportements de harcèlement et les dénoncent davantage. J’espère que cela va conduire à des changements plus profonds au niveau de la société, et à l’adoption de moyens concrets pour lutter contre le harcèlement au travail. Cela fait plusieurs années que l’Ordre travaille pour faciliter les dénonciations, et pour que les enquêtes soient confiées à des professionnels compétents, ce qui n’est pas toujours le cas. Si collectivement, le gouvernement, par des politiques publiques, et les organisations, par des mesures internes, n’unissent pas leurs efforts, je pense qu’on va encore pouvoir se parler de harcèlement psychologique dans dix ans!...

Les femmes vivent-elles une réalité particulière face au harcèlement au travail?

Chaque année, la CNESST enregistre environ 4000 à 4500 plaintes pour harcèlement psychologique. Au niveau du harcèlement sexuel, il y a une prévalence de victimes féminines, mais en ce qui concerne le harcèlement psychologique, il n’existe pas de statistique publique en fonction du genre. Ce qu’on sait, c’est qu’aucun milieu n’est à l’abri, quelle que soit la taille des organisations ou le secteur d’activité. C’est vraiment l’affaire de tout le monde; il ne faut pas penser que ça n’arrivera pas chez nous.


Quels sont les nouveaux enjeux posés par le télétravail?

Ce n’est pas parce que beaucoup sont encore en télétravail que le harcèlement a disparu. Les comportements consistant à mettre quelqu’un de côté, à l’ignorer, à constamment le relancer peuvent persister, même si on ne se côtoie pas physiquement. Tous les employeurs doivent continuer à remplir leurs responsabilités en vertu de la Loi sur les normes du travail, c’est-à-dire assurer un milieu sain et exempt de harcèlement. Il est donc important de définir comment collaborer à distance pour prévenir les conflits et éviter l’escalade. Le plus compliqué dans le contexte actuel, c’est que la dénonciation passe par l’intermédiaire de l’écran, qui peut constituer un frein supplémentaire pour les victimes.


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