Relance : un état des lieux avec Monique Leroux
Monique Leroux dirige le nouveau Conseil sur la stratégie industrielle mis sur pied par Ottawa pour préparer la relance et repenser l’économie. Marie Grégoire s’entretient avec elle pour faire le point sur ce qui se prépare.
Vous avez connu la crise de 2008 à la direction de Desjardins. En quoi la crise de la COVID est-elle différente du point de vue de l’économie?
En 2008, on faisait face à une crise structurelle dans le système financier. Il y avait des fragilités qui posaient des risques importants au niveau des liquidités. Les règles se sont renforcées par la suite, avec la coordination et l’encadrement qui se sont imposés comme des mesures nécessaires. Les gouvernements et les banques centrales ont mis du temps à réagir, mais la réponse a été concertée. Il a été possible de cerner le problème et de trouver une façon de relancer l’économie.
Aujourd’hui, le système financier est en meilleure posture de façon générale et au Canada en particulier. Mais on est face à un risque humain, une menace à la santé.
Face à la COVID, les banques centrales se sont consultées et ont travaillé ensemble de façon concertée, très rapidement. Les gouvernements ont agi très vite aussi.
Ce facteur touche de manière transversale toutes les activités économiques car les interactions humaines doivent être ralenties. Les ramifications sont beaucoup plus larges. On agit aujourd’hui pour protéger des vies et pas seulement pour préserver l’économie.
La crise de 2008 nous a permis de nous préparer d’une certaine manière. Le système financier est plus robuste. Les exigences de liquidité et de capital font que les institutions financières sont plus solides. Face à la COVID, les banques centrales se sont consultées et ont travaillé ensemble de façon concertée, très rapidement. Les gouvernements ont agi très vite aussi.
Où est la place des organisations internationales face à la pandémie?
En 2008, les données financières étaient concrètes pour prendre la mesure de la crise. Avec la COVID, les données scientifiques médicales font l’objet de beaucoup de débats. L’OMS fait face à des défis et la situation géopolitique mondiale est plus complexe qu’en 2008. La collaboration scientifique et médicale existe à l’échelle internationale, mais les indicateurs scientifiques sont plus opaques. Cela rend la lecture et l’analyse des données plus complexe. Le leadership mondial en matière de santé fait défaut.
J’ai l’espoir et la conviction qu’on trouvera un médicament efficace d’ici le dernier trimestre de l’année 2020.
Stephen Poloz, le gouverneur de la Banque du Canada, quitte ses fonctions la semaine prochaine. Il s’est déclaré optimiste face à la crise actuelle. Partagez-vous son enthousiasme?
Je suis plus inquiète, même j’ai confiance en l’avenir. Toute crise a un effet structurant. Mais à moins qu’un médicament ne soit rapidement commercialisé, l’impact sur l’économie sera considérable. Je base mes prévisions sur un scénario dont les analystes estiment la probabilité à 70 %. J’ai l’espoir et la conviction qu’on trouvera un médicament efficace d’ici le dernier trimestre de l’année 2020. L’impact des mesures de distanciation sociale sur l’économie sera variable d’un secteur à l’autre.
Le mandat que vous a confié Justin Trudeau vise à préparer la reprise. Quels constats faites-vous à ce jour?
Nous sommes en train de recueillir des données. On regarde l’économie, mais on prend en considération aussi tout ce qui relève de la santé. Mon objectif sera de proposer au gouvernement, à des fins de politiques publiques, un compte rendu concret de ce qui se passe par secteur industriel et selon les zones géographiques. Cette analyse nous permettra de diagnostiquer les enjeux et de mesurer la portée des mesures mises en place. À partir de ça, on fera des propositions pour la relance. On se demandera si certaines choses doivent être repensées à moyen terme. On doit se donner, rapidement, des moyens de repenser l’avenir.
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