HYDRO-QUÉBEC, SAQ, LOTO-QUÉBEC : Trois femmes à la tête de trois grandes sociétés d’État

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Après avoir passé 12 ans comme présidente et chef de la direction d’Énergir, Sophie Brochu est arrivée à la tête d’Hydro-Québec en avril dernier. Elle est la première femme présidente-directrice générale de cette société d’État dont le bénéfice net a atteint 2,9 milliards en 2019. Loto-Québec et la Société des alcools du Québec sont aussi dirigées par des femmes. Premières en affaires se penche sur ce vent féminin qui souffle sur les grandes sociétés d’État québécoises.

MARTINE LETARTE

Avant d’arriver à la SAQ en 2000, Catherine Dagenais tentait d’obtenir un poste de gestion dans l’entreprise où elle évoluait. C’est alors qu’un dirigeant lui a dit clairement qu’il voulait un homme pour occuper le poste qu’elle convoitait. Ce fut l’élément déclencheur dont elle avait besoin pour se trouver un nouvel employeur qui pourrait lui permettre de s’épanouir.

« À mon arrivée à la SAQ, j’ai tout de suite remarqué qu’il y avait beaucoup de femmes gestionnaires et qu’il y avait deux vice-présidentes, raconte Catherine Dagenais. Alors que j’arrivais d’un environnement où il n’y avait que des hommes dans les postes de direction et de gestion, ça m’avait marquée. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que j’avais plein d’opportunités et que j’étais responsable de mes propres limites. »

Dix-huit ans plus tard, elle est nommée présidente-directrice générale de la Société des alcools du Québec, société d’État qui a réalisé des bénéfices de 1,2 milliard pour l’exercice financier 2019-2020. La SAQ, qui fêtera son 100e anniversaire en 2021, compte aussi sur Johanne Brunet, qui dirige le conseil d’administration et une équipe de vice-présidents qui est paritaire.

« J’en suis très heureuse, mais nous ne l’avons pas cherché lors du recrutement, précise Catherine Dagenais. Nous voulions les meilleurs et ça a donné un résultat paritaire. »

Catherine Dagenais

Catherine Dagenais

« À mon arrivée à la SAQ, j’ai tout de suite remarqué qu’il y avait beaucoup de femmes gestionnaires. »

MISER SUR LA COMPÉTENCE

Lorsque Lynne Roiter, l’actuelle PDG de Loto-Québec, est arrivée à la société d’État en 1985, l’environnement de travail était très masculin ; mais elle ne s’en est pas formalisée. Elle en avait vu d’autres.

« Lorsque j’étudiais à McGill, nous n’étions que huit femmes dans la faculté de droit et plusieurs étudiants m’ont demandé pourquoi je prenais la place d’un de leurs amis alors que j’allais me marier, avoir des enfants et que ce serait la fin de ma carrière, raconte-t-elle. Je me suis mariée, j’ai eu deux garçons, mais ça n’a pas été la fin de ma carrière. »

Elle a su faire sa place. « J’ai toujours aimé mon travail et j’y ai toujours investi beaucoup d’efforts, raconte Lynne Roiter. Cela m’a permis de gagner la confiance de mes collègues et j’ai eu la chance d’avoir des dirigeants qui reconnaissaient la valeur du travail de qualité. »

Aujourd’hui, Loto-Québec a des conseils de direction et d’administration composés de 50 % d’hommes et de 50 % de femmes.

LA NOUVELLE NORME

Ce vent féminin serait-il attribuable à une montée de compétences et d’expérience chez les candidates féminines ? Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, en est convaincu.

« I l n’y a pas un groupe d’actionnaires ou un conseil d’administration aujourd’hui au Québec qui préférerait choisir quelqu’un de moins compétent parce que c’est un homme, affirme-t-il. Il y a eu une période où il y avait peu de candidates pour des postes de haut niveau et elles étaient sursollicitées. Les gens trouvaient alors que ça n’avançait pas assez vite pour les femmes. »

Ce temps est révolu selon lui. « Les femmes aujourd’hui ont eu des expériences dans des postes de vice-présidentes et ont siégé à des conseils d’administration de haut niveau notamment grâce aux sociétés d’État, qui se doivent d’avoir un conseil d’administration paritaire, explique Michel Leblanc. Elles sont parfaitement légitimes lorsqu’elles postulent pour des postes avec un niveau de hiérarchie très élevé et j’ai l’impression que ça déboulera rapidement maintenant. »

Déjà, on fait de moins en moins de cas de femmes qui accèdent à des postes dans les hauts échelons. « On a parlé de Sophie Brochu parce qu’elle est la première femme à la tête d’Hydro-Québec, mais, une fois que la première est arrivée, on n’en parle plus », constate Michel Leblanc.

Michel Leblanc

Michel Leblanc

« Le grand défi maintenant sera lié à la diversité, pour les hommes comme pour les femmes. »

Il donne l’exemple de Sonia LeBel, qui a été nommée récemment présidente du Conseil du Trésor à Québec. « On n’a pas souligné que c’était une femme parce que la porte avait déjà été défoncée (par Monique Gagnon-Tremblay en 1994). Il y a une normalisation de la place des femmes dans les hauts échelons, et c’est bon signe. Le grand défi maintenant sera lié à la diversité, pour les hommes comme pour les femmes. Certains ont fait la démonstration de leur très grande compétence et ils sont trop sollicités. Les autres ne sont pas encore sur l’écran radar, mais ça s’en vient. »

Lynne Roiter est aussi d’avis qu’il faut travailler à avoir une meilleure diversité dans les postes de direction. Elle, qui appartient à plusieurs minorités en tant que femme, anglophone et juive, remarque qu’avoir une équipe de dotation en partie féminine à Loto-Québec a beaucoup contribué à l’avancement des femmes parce qu’on a tendance à aller vers des gens qui nous ressemblent. « Les équipes de dotation doivent être le reflet de ce qu’on veut comme société. » •

Lynne Roitier

Lynne Roitier

« Les équipes de dotation doivent être le reflet de ce qu’on veut comme société. »

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Automne 2020Martine Letarte