Achat local : Marie-Eve Proulx prend position

 

Marie-Eve Proulx est ministre déléguée au Développement économique régional.

Marie Grégoire revient sur les premières leçons à tirer de la crise sanitaire au moment où les premières mesures de  déconfinement se profilent.

Dans cette entrevue, la ministre Marie-Eve Proulx se positionne en faveur de l’achat local.

Dans cette entrevue, la ministre Marie-Eve Proulx se positionne en faveur de l’achat local.

Femmessor a publié un sondage cette semaine, qui démontre que les femmes entrepreneures sont très touchées par la crise. Est-ce que l’entrepreneuriat féminin reste une priorité pour le gouvernement? 

Ça reste important. Au gouvernement, on est plusieurs à pousser pour des initiatives en faveur des femmes dans toutes les sphères. Les résultats sont probants pour les femmes qui se lancent en affaires, car elles s’en sortent très bien, c’est prouvé. Mais on est encore dans un milieu économique conçu et organisé par les hommes. Je crois que plus les femmes vont soutenir d’autres femmes en affaires, plus le succès sera au rendez-vous. Cette priorité est au cœur de mes préoccupations quand je travaille à l’élaboration des politiques publiques. 

Avant le 13 mars, on était dans une situation de croissance et de plein emploi. Et tout a basculé. Comment on s’adapte à la crise?

On n’a pas le choix de s’adapter. On vit le moment présent, on est à l’écoute. Il ne faut pas céder à la panique. On lit tous les jours, beaucoup. On a beaucoup de rencontres et on travaille en équipe. C’est un moment inédit et c’est très exigeant psychologiquement, mais on a rapidement adopté un mode solutions. La crise m’a beaucoup appris. J’ai réalisé que quand on travaille en équipe et avec transparence, on peut gérer les situations les plus difficiles.

Vous avez laissé les grandes surfaces ouvertes pendant la crise. On peut aussi y acheter des produits locaux, mais allez-vous aussi aider les petits commerces de quartier? 

Il y a 250 000 entreprises au Québec, dont 92 % travaillent avec moins de 10 employés. C’est considérable. Beaucoup de petits commerces ont été des maillons essentiels dans la crise. C’est surtout vrai en région, où une expertise s’est développée dans les très petites entreprises. Il faut encourager cet élan pour diversifier l’économie des régions. Il ne faut pas oublier les enseignes québécoises. Ce sont des entreprises locales, mais la crise a forcé des remises en question. Les gens ont eu une prise de conscience et ils veulent acheter local. La devise « consommer moins, consommer mieux » est de plus en plus valorisée. On veut tendre vers cette logique dans la relance. L’économie sociale, les coopératives, les regroupements de services sont des modèles porteurs, surtout en région. C’est une avenue importante pour la relance, car le sentiment d’appartenance joue beaucoup au Québec. On aura besoin de 37 000 repreneurs dans les prochaines années pour continuer à faire tourner l’économie. C’est un enjeu de taille. L’entrepreneuriat collectif pourrait être une avenue pour maintenir les services collectifs et la croissance dans les régions.

L’économie sociale, les coopératives, les regroupements de services sont des modèles porteurs.

On dit qu’en temps de crise, il faut être en mesure de voir des opportunités. Que vous révèle celle-ci?

Que le Québec doit être en mesure d’accélérer l’innovation, d’accroitre l’autonomie de production, particulièrement dans le secteur socio-sanitaire, et aussi d’accroitre l’autonomie alimentaire.

Vous parlez d’autonomie alimentaire. On a évoqué un tarif préférentiel pour les producteurs en région. Est-ce que ce serait un des éléments à prendre en compte dans le plan de relance?

 Avec Hydro Québec, on peut faire beaucoup de choses au niveau alimentaire et économique. On regarde ces avenues, notamment avec l’arrivée de Sophie Brochu à la tête d’Hydro Québec. Je regarde aussi ce qui se fait en Gaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent. Il existe des coopératives dans l’énergie éolienne, et les redevances reviennent en ristournes aux municipalités régionales de comté (MRC). Ça donne une autonomie financière aux régions et ça permet d’investir dans les collectivités. Ce sont des modèles vraiment intéressants. Je suis favorable aux modèles qui utilisent des « circuits courts ».

Qu’est-ce que le Québec doit retenir de la crise?

On a retrouvé une certaine autonomie. C’est vrai que c’est important de relancer l’économie avec plus d’infrastructures, mais il faut prioriser le soutien à domicile et le maintien à domicile pour les aînés. La prise de décision doit se rapprocher du terrain, surtout dans le milieu de la santé, qui a été centralisé à outrance, ce qui nous a beaucoup déresponsabilisés. C’est la même chose pour le développement économique, qui ne doit pas seulement être l’affaire des élus.


Vous avez aimé cette entrevue ? L’intégralité des échanges sont au programme dans le prochain numéro papier de Premières en affaires. Vous pouvez réserver votre copie papier dès aujourd’hui ou vous abonner pour nous aider à remplir notre mission. Chaque geste compte !