DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE RÉGIONAL > Marie-Eve Proulx s’engage
Marie-Eve Proulx est ministre déléguée au Développement économique régional. Elle a promis aux Québécois une saison touristique cet été. Marie Grégoire s’entretient avec elle pour faire le point, à quelques semaines des vacances.
On était en plein emploi avant la crise, c’était la croissance. On devait gérer les pénuries de main-d’œuvre. Comment fait-on pour se réajuster ?
« Je suis plus préoccupée par l’économie des régions. Au Québec, la saison touristique génère 3,5 milliards de dollars, soit une grosse partie de l’économie du Québec. »
En termes de références, au niveau de la santé publique, on remonte à 1918 avec la crise espagnole, c’était un autre monde. Pour l’économie, ça nous ramène 30 ans en arrière, à l’époque où les taux de chômage étaient effarants et le marché de l’emploi très hermétique. Je ne pense pas qu’on en arrive là. Les finances publiques ont été bien gérées au fil des années et des crises économiques que l’on a traversées, comme en 2008. Durant les dernières années, on s’est dotés de mécanismes de protection. Ce ne sera pas facile. Une crise des finances publiques pourrait arriver après la crise économique. Au sortir de la crise sanitaire, après l’été, il sera possible de faire un état des lieux. Je suis plus préoccupée par l’économie des régions. Au Québec, la saison touristique génère 3,5 milliards de dollars, soit une grosse partie de l’économie du Québec. Il y a moins de ressources en régions, et l’économie y est moins diversifiée que dans les centres urbains. Si on n’a pas la saison touristique qu’on espère, les régions seront plus touchées.
La culture et le tourisme sont deux moteurs pour l’économie en région. Comment trouver l’équilibre au moment où la contamination présente encore un danger ?
Je ne sais pas si les gens vont vouloir sortir de chez eux cet été. La demande pour les piscines est significative, ce qui traduit une certaine réticence. Les entrepreneurs locaux devront faire preuve de flexibilité. Des mesures de distanciation sociale seront nécessaires. Les restaurateurs proposent déjà des menus à emporter, et c’est très populaire. Les gens veulent soutenir les restaurants qu’ils fréquentent à l’échelle locale. Le gouvernement s’ajuste en favorisant l’achat local. C’est ce que nous avons fait avec le Panier bleu. Je vois trois opportunités dans la crise. Tout d’abord, la transition vers le numérique devient primordiale. Ensuite, toute l’expertise que l’on avait dans le tissu industriel, au niveau de la production de vêtements, par exemple, qui a été délocalisée, a beaucoup fait défaut pour la production de masques, mais aussi de blouses et de jaquettes sanitaires. Enfin, l’autonomie alimentaire devient une priorité. Il faut produire plus. Je vois cet objectif d’autosuffisance comme un moteur pour l’occupation du territoire au Québec, pour faire revivre les régions.
Comment relancer l’économie sans la locomotive de Montréal ?
On a l’opportunité en ce moment de rééquilibrer la croissance. Chaque économie régionale est un poumon économique. Il faut retrouver cette équité, et les régions doivent reprendre leur place. Des stratégies de grappes industrielles ont donné de bons résultats. Les municipalités régionales de comté (MRC) prennent des initiatives, mais une vision plus coordonnée serait positive pour assurer la diversification économique dans les régions. Tout ne peut pas reposer sur les grands industriels ; on l’a constaté avec la fragilité de certains fleurons, comme Bombardier. L’innovation et le virage numérique seront essentiels. On se dirige vers des mesures en ce sens pour mieux soutenir les régions. On veut créer des environnements propices, des zones d’innovation où la recherche, le milieu des affaires et le développement local et régional travaillent ensemble. Il faut matérialiser les relations entre la communauté des chercheurs et les entrepreneurs. •