Jamie Orchard : « Nous sommes tous des Québécois »
1er septembre 2020
Elle a l’habitude des entrevues mais c’est souvent elle qui pose les questions. Jamie Orchard a été le visage des bulletins de nouvelles de Global Montreal au cours des 23 dernières années. La nouvelle est tombée cet été : Global News doit procéder à une importante réduction d’effectifs, et 10% des emplois permanents de la station montréalaise sont coupés, dont celui de la cheffe d’antenne Jamie Orchard. Marie Grégoire a passé un moment avec elle pour discuter de ses nouveaux horizons et de la crise des médias.
Entrevue de Marie Grégoire, texte de Jean-Sébastien Rousseau.
Au cours des premiers mois de la crise sanitaire, étiez-vous en ondes tous les jours?
J’étais en arrêt de travail partiel depuis janvier car je me remettais d’une commotion cérébrale. À l’annonce du confinement par le gouvernement québécois, j’ai tout de suite voulu revenir en ondes. Le 20 mars, j’y étais. Mon rôle était de suivre les points de presse des autorités et aussi d’encadrer les journalistes qui couvraient l’actualité sur le terrain.
« Les sondages ne font que nous diviser en fonction de la langue, de l’ethnicité, de la religion ou de toute autre étiquette.» – Jamie Orchard
Des sondages ont révélé que la communauté anglophone du Québec est plus inquiète par rapport à la COVID-19, comparativement aux francophones. Comment évaluez-vous la performance du gouvernement Legault dans la gestion de cette crise?
Je ne crois pas qu’il me revienne d’évaluer la performance du premier ministre et de son gouvernement. Ils ont certainement agi rapidement avec l’information dont ils disposaient. Ils ont fait de leur mieux; j’en suis convaincue. Pour ce qui est des sondages, je les ai vus. Je questionne toutefois leur utilité puisqu’ils ne font que nous diviser en fonction de la langue, de l’ethnicité, de la religion ou de toute autre étiquette. Nous sommes tous des Québécois et nous traversons cette crise ensemble. Cela dit, les anglophones puisent leurs nouvelles auprès de sources extérieures et complémentaires aux médias québécois francophones. Leur perception de la situation peut donc être différente.
Cet été, la chaîne Global News a annoncé des réductions d’effectif. Est-ce que la COVID-19 accélère la crise des médias?
Absolument. Je trouve ça parfaitement ironique qu’on licencie des gens en temps de pandémie mondiale, alors que la population a besoin plus que jamais d’information et de nouvelles locales. À Global Montreal, c’est précisément ce qu’on livrait et ce à quoi j’ai contribué pendant 23 ans. C’est certain que ça m’attriste de devoir quitter mon poste de cheffe d’antenne. D’autant plus qu’au cours des derniers mois, nous atteignions enfin nos objectifs de cotes d’écoute. C’est malheureusement dans l’air du temps : plus de 135 organismes de presse canadiens ont fermé depuis le début de la pandémie et des milliers de licenciements ont été recensés dans le pays. Je pense qu’une grande partie du problème réside dans la concentration de la propriété des médias d’ici par des grandes entreprises qui ne fonctionnent qu’à des fins lucratives. Ils n’ont pas nécessairement le temps, l’intérêt ni l’argent qu’il faut investir dans les chaînes locales.
Crise des médias : « Une grande partie du problème réside dans la concentration de la propriété des médias d’ici par des grandes entreprises qui ne fonctionnent qu’à des fins lucratives. » - Jamie Orchard
Les médias réclament de l’aide gouvernementale. Des structures de coopérative s’organisent, notamment entre Le Soleil et La Voix de l’Est. Sommes-nous face à l’émergence d’un nouveau modèle?
Le syndicat chez Global demande justement une intervention gouvernementale afin de soutenir les médias locaux. C’est peut-être un début, mais ce n’est pas une solution en soi. La pente est glissante quand on brouille les frontières entre les pouvoirs politiques et l’intégrité journalistique. Il faut une pluralité de propriétaires et de voix ainsi qu’un écosystème dans lequel les petits joueurs peuvent survivre. Les Google et Apple de ce monde pourraient financer des organismes de presse locaux indépendants, et ce sans aucune condition. Mais c’est une perspective peu probable.
Vous êtes une femme libre maintenant. Comment envisagez-vous votre avenir?
En ce moment, je prends une pause et je suis à l’écoute de différents points de vue. Je m’inspire des ami.es qui ont déjà vécu ce genre de grand changement en milieu de carrière et qui me soutiennent. Je prends le temps de bien réfléchir, de respirer. Mais j’ai besoin de raconter des histoires, d’être créative. L’idée m’est venue d’aller à la rencontre de femmes qui vivent une transition et cherchent la deuxième corde à leur arc. Je travaille sur une plateforme numérique qui me permettrait de publier leurs portraits.
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