VIOLENCES SEXUELLES : se crêper le chignon sur le dos des femmes
Mais qu’est-ce que c’est que ce cirque? Un an après l’adoption de la loi 171 visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel sur les campus universitaires, on apprend que plusieurs établissements d’enseignement supérieur n’auront pas adopté la politique exigée le 1er janvier, ce qui pourrait entraîner un retard dans sa mise en œuvre. En effet, la loi stipule que tous les établissements doivent avoir adopté leur politique à cette date afin d’en assurer le déploiement à la rentrée 2019.
Derrière ces retards, on mentionne des tracasseries administratives, des conflits entre les parties patronales et syndicales, une mauvaise compréhension – ou de piètres explications – des attentes du ministère… Personne n’est contre cette nouvelle loi, mais personne ne semble agir avec diligence afin de s’assurer qu’elle passe de la théorie à la pratique dans les délais requis.
Les délais prévus ne sont pas anodins : la période d’attente qu’ils génèrent se fait sur le dos des femmes qui, elles, ont assez attendu. Que les établissements d’enseignement supérieur se crêpent le chignon sur un tel enjeu est sidérant. Faut-il rappeler qu’en janvier 2017, une enquête révélait qu’environ le tiers des personnes sur plus des 9 000 ayant été sondées avaient subi au moins une forme de violence sexuelle pendant leur parcours universitaire? Que neuf victimes sur dix n’ont pas rapporté la situation ni porté plainte à leur université? Et que ce sondage a été mené dans six universités québécoises ? Bien entendu, la forte majorité des victimes sont des femmes, comme c’est le cas lorsqu’il est question de violence sexuelle.
«Un après l’adoption de la loi 171, rien n’a bougé dans les écoles. Il faut agir pour que la loi du silence à laquelle se soumettent depuis trop longtemps les étudiantes soit chose du passé. »
La nouvelle loi exige que les établissements d’enseignement supérieur incluent dans leur politique des mesures de sécurité, de prévention et de sensibilisation, une formation obligatoire pour le personnel, la mise en place d’un processus de plaintes assorti de sanctions applicables, des services d’accueil et de soutien psychosocial pour les victimes et un code de conduite auquel chacun devra s’engager à se conformer. Bref, une série de mesures pour que la loi du silence à laquelle se soumettent depuis trop longtemps les étudiantes soit chose du passé. Pour que, collectivement, nous puissions considérer nos cégeps et nos universités comme des lieux sécuritaires et accueillants pour tous et toutes, des lieux vraiment propices au développement de connaissances, de savoir-faire et de savoir-être.
Est-ce trop demander ? À l’aube de 2019, après la vaste réflexion collective qui a suivi la vague de dénonciations #moiaussi, suis-je la seule pour qui ça semble la moindre des choses ? Pourrait-on demander que nos institutions du haut savoir agissent avec hauteur, décence et éthique et cessent ce crêpage de chignons qui se fait sur le dos des jeunes étudiantes ?