Une fédération pour les femmes?
La faillite politique de la Fédération des femmes du Québec ne fait plus vraiment doute. Alors qu’elle fut un grand mouvement féministe, qu’on pouvait certainement critiquer, mais qui participait activement à la vie de la cité, elle n’est plus qu’un lieu de convergence des tendances féministes les plus radicales. Elle s’est notamment prononcée, récemment, pour la légalisation de la prostitution, qu’elle assimile au simple travail du sexe, comme s’il s’agissait d’une manière parmi d’autres pour une femme de s’émanciper ou de gagner son pain. On veut bien croire que ce soit le cas d’une femme sur mille prises dans cette situation. Pour le reste, faire semblant que la prostitution ne relève pas en général d’une forme d’esclavagisme sexuel reliée à des réseaux criminels relève d’un déni sociologique fascinant. Avec de telles amies, les femmes n’ont pas besoin d’ennemies.
La FFQ vient donc de se disqualifier moralement. Mais cela ne devrait pas nous empêcher de nous poser une question plus large. Dans quelle mesure une organisation militante, aussi ouverte soit-elle à une diversité de sensibilités idéologiques, peut-elle prétendre sérieusement représenter « les femmes » ? Car pour peu qu’on soit honnête, il faut bien convenir que les femmes n’ont rien d’un tout homogène. Il y a des femmes de gauche et des femmes de droite, des souverainistes et des fédéralistes, des nationalistes et des multiculturalistes, des femmes qui évoluent dans le milieu des affaires et d’autres qui évoluent dans les mouvements sociaux, des femmes favorables aux quotas et à la discrimination positive, et d’autres que cette idée choque et révolte. On pourrait poursuivre longtemps cet exercice.
En d’autres mots, si les femmes, dans leur ensemble, partagent assurément une même situation existentielle, elles ne sauraient représenter une force politique unifiée. C’est ce que peinait à accepter Lise Payette, une femme remarquable, mais qui dans ses dernières années, avait envisagé la création d’un parti politique de femmes. Une telle idée, en plus d’être plus que problématique sur le plan démocratique, s’inscrit dans une logique qui est celle de la guerre des sexes comme d’autres nous proposent aujourd’hui de le faire sous le signe de la guerre des « races ». Devons-nous vraiment penser les désaccords sociaux sous le signe d’une opposition frontale entre les hommes et les femmes ? Évidemment, cette proposition avait trouvé peu d’échos. Pourtant, elle était en quelque sorte l’aboutissement d’un féminisme de combat enfermé dans un militantisme qui n’a plus grand-chose à voir avec la réalité.
Que des groupes féministes agissent pour intégrer à l’espace public des enjeux qui interpellent particulièrement les femmes va de soi, et participe à la vitalité de notre démocratie. Mais qu’un groupe prétende représenter les femmes en elles-mêmes, au-delà de tout ce qui les divise entre elles, ne tient plus. Et il n’est sans doute pas insensé que la FFQ, qui prétend représenter politiquement les femmes, ne représente plus que les franges les plus sectaires du féminisme militant. Comme si, au terme de son existence, la FFQ allait s’abîmer dans un ridicule dont elle ne se relèvera pas.