Droit de la famille 2.0
Le droit de la famille n’a pas évolué depuis les années 80, il est temps que ça change. Pour savoir si la modernisation du droit de la famille est à l’ordre du jour, Déborah Cherenfant a questionné en mars 2018 la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée. Elle a aussi interrogé les élues Véronique Hivon, Lise Lavallée et Manon Massé. Voici leurs réponses.
“Oui, il est temps que ça change”
Véronique Hivon, Députée de Joliette, Vice-chef du Parti québécois
Doit-on moderniser le droit de la famille ?
Oui, ça fait longtemps que ça aurait dû être fait, car depuis 1980, il n’y a pas eu de réforme. C’est une très longue période au cours de laquelle, les réalités familiales et sociologiques du Québec ont évolué. Près de 60% des enfants sont nés hors des liens du mariage, il y a beaucoup de familles recomposées, il y a la question des mères porteuses. Rien de tout ça n’est pris en compte dans notre droit familial actuellement.
L’augmentation des unions hors mariage est-il un facteur de précarisation pour celles qui ont des enfants ?
C’est certain que ça va précariser la situation des femmes, ou des hommes, certes moins nombreux, qui vont rester avec les enfants. Le rapport de Me Alain Roy et a été remis il y a plusieurs années maintenant à la ministre de la justice. L’idée est de prioriser l’intérêt de l’enfant, de lui offrir la plus grande stabilité et de s’assurer que les conjoints de fait eux aussi soient protégés. On revient à la charge périodiquement pour qu’il y ait un dialogue avec la population au sein d’une commission parlementaire, qui pourrait être mise en place comme sur le modèle de celle de mourir dans la dignité, de manière non partisane.
“Il faut réfléchir aux nouvelles réalités des familles”
Lise Lavallée, Députée caquiste de Repentigny, Porte-parole de la CAQ en matière de santé publique
Doit-on moderniser le droit de la famille ?
Avant que je ne quitte la profession de notaire, Me Roy venait d’être nommé pour préparer la réforme. Il y a une réflexion très logique dans ce rapport, qui part de l’arrivée d’un enfant comme une prémisse. Tous les partis devraient se rallier à ces propositions-là. On est nombreux à demander au gouvernement une commission parlementaire sur le sujet. Ce n’est pas un dossier qui amène des discussions partisanes, il s’agit de réfléchir fonction de la nouvelle réalité des familles.
L’augmentation des unions hors mariage est-il un facteur de précarisation pour celles qui ont des enfants ?
Oui. Mais il y a aussi du nouveau : beaucoup plus de femmes scolarisées ont un emploi mieux rémunéré alors c’est l’homme qui fait le choix de s’occuper des enfants. Il y a, dans le rapport, des protections financières qui sont accordées peu importe le type d’union et c’est important.
“Il y a urgence !”
Manon Massé, Députée de Ste-Marie-St-Jacques, Porte-parole de Québec Solidaire
Doit-on moderniser le droit de la famille ?
Oui. De 1980 à 2018, les réalités familiales ont changé, alors il y a urgence d’agir. Il y a des petits changements qui ont été esthétiques au cours des dernières années, mais on ne comprend pas pourquoi ça bloque au conseil des ministres. Même après le rapport Roy, rien n’a bougé.
L’augmentation des unions hors mariage est-il un facteur de précarisation pour celles qui ont des enfants ?
C’est sûr que tant et aussi longtemps que le mariage servira de critère pour imposer des droits et obligations en matière familiale, ce sera précarisant pour les femmes. Québec solidaire milite pour que les mêmes obligations s’appliquent pour les femmes et les enfants d’un mariage ou d’une union de fait. Aujourd’hui, plus que 75% des familles monoparentales sont dirigées par une femme. Il faut protéger ces foyers.
“La modernisation du droit de la famille progresse”
Stéphanie Vallée, Députée de Gatineau, Ministre de la Justice,Procureure générale du Québec
Doit-on moderniser le droit de la famille ?
La cellule familiale est en évolution constante alors que les règles qui la gouvernent sont, pour la plupart, restées figées dans des termes et des concepts vieux de près de 30 ans.
C’est pourquoi nous avons annoncé une modernisation de ces règles. En effet, le projet de loi 113, adopté en juin 2017, a révisé les règles relatives à l’adoption. Il a introduit une nouvelle forme de tutelle et inséré au Code civil du Québec des éléments du droit coutumier autochtones. D’autres modifications législatives sont en préparation afin que nos règles répondent aux besoins de la réalité familiale d’aujourd’hui.
L’augmentation des unions hors mariage est-il un facteur de précarisation pour celles qui ont des enfants ?
Le Québec a développé des mécanismes qui protègent les femmes ayant des enfants qui prennent leur congé de maternité dans nos différentes lois, notamment dans les normes du travail, et notre gouvernement met de l’avant la conciliation travail-famille. D’ailleurs, les statistiques démontrent que la participation des mères sur le marché de l’emploi a bondi de 50% entre 1976 et 2012. Nous avons encore du travail à faire pour augmenter ce nombre et garantir ainsi, du même souffle, le meilleur intérêt de l’enfant. Les obligations alimentaires des couples envers leurs enfants sont les même, qu’importe la forme de la relation parentale.