HOMMES D'INFLUENCE : ILS S'ENGAGENT POUR LA PARITÉ
PIERRE THÉROUX
Guy Cormier, Robert Dumas, Alexandre Cusson : ces hommes s’engagent pour faire de la parité une réalité dans leurs institutions et leurs sphères d’influence. Des points de vue qui résonnent aujourd’hui, car la pression du public est grande pour que les femmes prennent la place qui leur revient dans la société.
Guy Cormier a de grandes ambitions. Le président et chef de la direction du Mouvement Desjardins souhaite en effet réaliser d’ici cinq ans la parité des genres parmi les gestionnaires et les administrateurs de la coopérative financière. Et pour atteindre ces cibles, il faut d’abord et avant tout un engagement clair de la haute direction.
« Il faut y croire et se sentir investi en tout temps d’une mission », affirme celui qui, en 2016, a pris la succession de Monique Leroux, la première femme à présider le Mouvement Desjardins, plus d’un siècle après sa cofondatrice, Dorimène Desjardins.
Robert Dumas a lui aussi succédé en 2017 à une femme d’envergure, Isabelle Hudon, à la tête des activités québécoises de la Financière Sun Life. Il l’a fait avec la ferme intention de reprendre le flambeau visant l’atteinte d’une plus grande parité hommes-femmes. « Isabelle m’a grandement sensibilisé à l’importance d’avoir non seulement la parité, mais aussi une plus grande diversité parmi les dirigeants et les employés », souligne le président et chef de la direction au Québec de cette vénérable institution.
DES PAS DANS LA BONNE DIRECTION
Au Québec, 48 % des dirigeants chez Sun Life sont aujourd’hui des femmes, tandis que le comité de gestion compte 8 femmes sur les 18 membres. Desjardins tend aussi vers la parité, déjà atteinte dans son comité de direction, alors que les délégués ont élu en mai dernier 5 femmes à son conseil d’administration, désormais composé de 7 femmes et 15 hommes.
Parmi les 2 800 membres élus qui composent les conseils d’administration du réseau des caisses du Québec et de l’Ontario, 43 % sont des femmes. La proportion de présidentes des conseils d’administration est passée de 24 % en 2017 à 33 % aujourd’hui. Pour l’ensemble du Mouvement Desjardins, la représentativité des femmes gestionnaires (autres que cadres supérieures) s’élève à 59 %, mais la proportion des femmes cadres supérieures est à 24 %.
« On s’en va dans la bonne direction, mais on doit et on peut faire mieux. Il faut maintenir les efforts pour atteindre la parité d’ici 2024 », insiste Guy Cormier. Pour y arriver, Desjardins passe régulièrement en revue son bassin de main-d’œuvre afin d’évaluer et de soutenir les femmes qui peuvent accéder à des postes de gestionnaire.
Sun Life multiplie aussi les initiatives pour accélérer le mouvement déjà bien amorcé vers l’atteinte de la parité. L’institution financière s’assure notamment, au moment de l’embauche ou lors de promotions, de retenir un nombre de candidats qui reflète la parité. Et les entrevues doivent être menées sans aucun biais.
« Nos gestionnaires sont formés pour ne pas associer automatiquement les hommes à des postes en finance ou en TI, par exemple, et les femmes aux secteurs des ressources humaines ou du marketing-communication », explique M. Dumas, en précisant avoir développé une structure de gestion qui mesure comment l’entreprise se comporte et peut améliorer la situation.
« Il est sain d’avoir des opinions qui peuvent être divergentes. Une décision qui a été débattue est une meilleure décision. »
ROBERT DUMAS
DES ENTREPRISES PLUS PERFORMANTES
Sun Life mène aussi des activités de mentorat auprès de ses employées afin d’accroître leur confiance et leur prise de risque. « Des études démontrent que les femmes attendront d’avoir 9 des 10 critères requis avant de poser leur candidature à un nouveau poste, tandis que les hommes vont de l’avant dès qu’ils remplissent 50 % des critères», souligne Robert Dumas. Il se réjouit de compter sur des mentors autant masculins que féminins. « L’exemple doit venir du haut de la pyramide, mais il est important que les hommes adhèrent aussi à l’objectif de la parité », fait-il valoir.
La présence des femmes au sein d’une organisation est d’autant plus importante que leur impact y est très bénéfique. Les entreprises cotées en bourse et dirigées par des femmes sont en effet plus rentables, démontre un récent rapport de S&P Global Market Intelligence.
« Il y a une plus grande mixité de points de vue, et ça rend Desjardins encore plus performant », confirme Guy Cormier. Robert Dumas fait écho à ses propos. « Il est sain d’avoir des opinions qui peuvent être divergentes. Une décision qui a été débattue est une meilleure décision », constate-t-il.
« On s’en va dans la bonne direction, mais on doit et on peut faire mieux. Il faut maintenir les efforts pour atteindre la parité d’ici 2024. »
GUY CORMIER
FEMMES ET POLITIQUE
Le milieu politique pourrait également se faire l’écho d’une meilleure représentativité des femmes. « Il y a encore beaucoup de travail à faire », reconnaît Alexandre Cusson, maire de Drummondville et président sortant de l’Union des municipalités du Québec (UMQ).
Si ce dernier a quitté ses fonctions pour envisager de se positionner comme prochain chef du Parti libéral du Québec, son dernier mandat a été dominé par un certain nombre de gestes concrets en faveur de la parité dans les municipalités. Lors du dernier scrutin municipal, 205 mairesses ont pris le pouvoir, ce qui représente seulement 18,8 % des élus. Le pourcentage de conseillères municipales est toutefois plus élevé alors qu’elles représentent 32,3 % des élus.
L’UMQ a donc adopté, le printemps dernier, sa première politique d’égalité entre les femmes et les hommes. Sous le leadership d’Alexandre Cusson, l’organisme souhaite non seulement renforcer la présence des femmes parmi ses dirigeants et administrateurs, mais aussi servir de modèle pour l’ensemble des villes qu’elle représente.
« Quand la ville la plus populeuse, la métropole, élit une femme à sa tête, ça lance un très beau message, particulièrement chez les jeunes. »
ALEXANDRE CUSSON
Concrètement, l’UMQ compte sur des ambassadrices qui parcourent les régions pour sensibiliser les femmes à s’engager en politique. Depuis 2013, l’organisme souligne plus particulièrement la contribution des élues municipales au développement de leurs communautés par la remise du prix Francine-Ruest-Jutras, ainsi nommé en l’honneur de l’ex-mairesse de Drummondville qui a aussi été la première femme à présider l’UMQ.
L’élection d’une première femme à la mairie de Montréal, Valérie Plante, pourrait aussi faire boule de neige.
« Quand la ville la plus populeuse, la métropole, élit une femme à sa tête, ça lance un très beau message, particulièrement chez les jeunes », a affirmé Alexandre Cusson lors d’une entrevue menée durant les derniers jours de son mandat à l’UMQ.
Au provincial, la dernière campagne électorale, qui s’est conclue avec un nombre record de candidates (47 %), d’élues (42 %) et de ministres – 50 %, au moment de la formation du cabinet – est aussi de très bon augure pour l’avenir. Mais à la suite du scrutin fédéral du 21 octobre dernier, la Chambre des communes compte moins de 30 % de femmes élues. Ce résultat est encore bien en dessous du seuil minimal de la zone paritaire, qui s’établit à 40 %. Il reste tout un chemin à parcourir et les hommes comme Guy Cormier, Alexandre Cusson et Robert Dumas ont un grand rôle à jouer pour faire la différence. On ne peut que souhaiter qu’ils inspirent leurs pairs à agir dans le même sens.