Pouvoir d'achat

Par Marie Grégoire (X)
et Déborah Levy (Y)

 

« Acheter, c’est voter » : Laure Waridel, femme inspirante, co-fondatrice d’Équiterre, et aujourd’hui directrice exécutive du Centre interdisciplinaire de recherche en opérationnalisation du développement durable (CIRODD), interpelait ainsi les Québécois en 2005 face à leurs choix de consommation. C’était il y a bientôt 15 ans. À l’époque, Laure Waridel voulait attirer l’attention des consommateurs sur la provenance du café qu’ils achetaient. Elle documentait dans son livre l’impact de ces choix sur la vie de milliers de gens, de familles et de communautés. On était au début de la sensibilisation pour un commerce équitable, standard aujourd’hui répandu.

Les femmes ont été au cœur de cette évolution. Pourquoi ? Certaines études se sont penchées sur la question. Voilà tout juste deux ans, les données TGI Europe de Kantar Media, démontrent que, malgré toutes les évolutions dans les tendances de consommation, les femmes restent en moyenne, à plus de 80%, les principales responsables des achats dans les foyers (Univers : 21 520 femmes de 18 à 60 ans en France, Espagne, Allemagne et au Royaume Uni). Un pouvoir immense, mais un pouvoir sous-estimé. Car ce chiffre illustre à quel point il est possible pour les femmes de faire fléchir les entreprises par leurs décisions quotidiennes.

Il en va autrement dans les pays où des travailleurs sous-payés ont confectionné pendant plusieurs décennies mille-et-un petits et gros accessoires vendus ici par les grandes chaînes. Accessoires et objets de convoitise que ces travailleurs veulent désormais pouvoir s’offrir, alors que l’économie dans laquelle ils évoluent se développe avec l’apparition de classes moyennes. Un décalage qui est matière à davantage de réflexion encore.

Ici et ailleurs, les décisions d’achat confèrent un incontestable pouvoir aux consommateurs. Leurs choix délimitent les contours de la production de richesse et de l’économie dans lesquels ils vivent. Les Walmart et Dollarama de nos centres commerciaux ont fort à faire pour convaincre en matière d’environnement, d’acceptabilité sociale, d’équité, et de générosité de marque. Parce que l’information voyage plus que jamais, ces enseignes sont sous surveillance. Le message de Laura Waridel a pris des années à percoler. Mais cette conscience du pouvoir liés aux choix de consommation est avérée au Québec, et dans les économies les plus riches où les acheteurs peuvent se permettre de penser à l’impact sociétal de ces petits désagréments qui donnent mauvaise conscience. Certaines entreprises, qui offrent déjà des choix responsables l’ont bien compris. À bon entendeur, salut.