Presse écrite: les modèles évoluent
17 janvier 2023 - L’augmentation des prix du papier a atteint jusqu’à 40 % dans les trois dernières années. Les revenus publicitaires s’émiettent avec l’avènement du numérique qui capte l’attention et le temps des lecteurs. Qu’à cela ne tienne, à la barre de leurs entreprises, Julie Voyer, Sophie Banford et Caty Bérubé assurent la pérennité d’une vingtaine de parutions imprimées.
Gravité Média : Julie Voyer pérennise quatre journaux locaux sur la Rive-Sud
Julie Voyer dirige et détient Gravité Média, un groupe de presse basé à Candiac, sur la Rive-Sud de Montréal. En 2017, elle a racheté, avec quelques associés, quatre journaux hebdomadaires mis en vente par TC Média, l’entreprise pour laquelle elle travaillait depuis 2006. Le groupe maintient la diffusion papier.
« Le prix du papier a augmenté. Nos journaux comptent aujourd’hui moins de pages. Il faut innover. » - Julie Voyer
À l’époque, TC Media avait décidé de laisser aller 96 journaux locaux et on s’interrogeait sur leur avenir. « Je croyais et je crois toujours dans les médias locaux et régionaux ; je ne pouvais pas imaginer qu’ils partent à la dérive. Je connaissais à la fois le lectorat et les annonceurs et j’ai plongé », raconte la femme d’affaires.
« Selon un sondage CROP réalisé en 2022, 74 % des répondants veulent savoir ce qui se passe dans leur localité. » - Julie Voyer
Aujourd’hui, Gravité Média, c’est toujours ces quatre hebdos locaux qui couvrent toute la région entre Valleyfield et Longueuil et rejoignent 220 000 portes, en plus du lectorat en ligne. Un magazine numérique, L’information d’affaires d’ici, et une agence de marketing complètent les activités de l’entreprise. Les citoyens sont friands d’informations locales et régionales, ce qui peut inclure les offres publicitaires. Encore faut-il tout bien présenter et s’assurer que les médias qui portent ces messages puissent survivre. « Nous avons fait réaliser en janvier 2022 un sondage par la firme CROP, qui nous a montré que 74 % des répondants tenaient à savoir ce qui se passe dans leur communauté », dit Julie Voyer. « Le prix du papier a augmenté. La pandémie a fait mal. Nos journaux comptent aujourd’hui moins de pages. Il faut innover », détaille la dirigeante. Gravité Média s’y emploie justement, en proposant, par exemple, des contenus commandités à des annonceurs pour conjuguer information et publicité. Gravité Média met aussi de l’avant des événements soutenus et appuyés par les journaux. Le même principe prévaut : demeurer connecté avec les milieux desservis. « C’est l’essentiel, dit Julie Voyer. Le volume des journaux imprimés n’augmentera pas, mais il ne diminuera pas à court ou moyen terme. Pour la suite, il nous faut miser sur un modèle hybride avec Internet, pour rejoindre à la fois les lecteurs et les annonceurs. »
Sophie Banford: les magazines de KO Média pour décrocher
Sophie Banford, éditrice et associée de KO Média, a repris progressivement des magazines qu’elle avait autrefois dirigés. Responsable de périodiques chez Rogers, TC Media, puis TVA Publications depuis 2006, elle a été à la barre de Clin d’œil, Châtelaine, Loulou, ou MOI&cie. Sophie Banford ne dénigre pas les médias en ligne, mais insiste sur la pertinence de la lecture papier pour décrocher.
« On travaille de concert avec les annonceurs. La publicité traditionnelle continue, mais on fait davantage de publireportages, avec le contenu intégré. » - Sophie Banford
En 2015, les grands groupes de presse veulent se départir progressivement de leurs magazines, et même du titre Véro. Véronique Cloutier et son conjoint Louis Morissette décident alors de publier eux-mêmes le magazine. Sophie Banford se joint à l’équipe à l’été 2015 et devient actionnaire de KO Média en 2017. L’entreprise rachète progressivement d’autres titres qui sont mis en vente. KO Média publie aujourd’hui Elle Québec, Elle Canada, K pour Katrine, di Stasio, et Véro. Sophie Banford est dans le milieu de la presse écrite depuis 20 ans, et elle voit les modèles d’affaires s’adapter. « On travaille de concert avec les annonceurs. La publicité traditionnelle continue, mais on fait davantage de publireportages, avec ce qu’on appelle le contenu intégré. » KO Média compte aussi sur des revenus d’abonnement, les ventes en kiosque et la monétisation des versions numériques des parutions. « On élargit également la diffusion avec des événements clients, ce qui augmente le rayonnement. »
« Prendre du temps pour soi va devenir un luxe, mais un luxe essentiel. » - Sophie Banford
Comment voir l’avenir de l’industrie ? C’est une question d’équilibre, les magazines papier permettent de décrocher. « Prendre du temps pour soi va devenir un luxe, mais un luxe essentiel. En fait, les lecteurs achètent des magazines pour avoir un répit face au numérique et pour se ressourcer. Nos parutions sont informatives et font vivre une expérience de lecture positive. » Mission accomplie pour la maison d’édition qui s’appuie sur le succès de ses marques. Sept ans après le début de cette aventure entrepreneuriale, Sophie Banford a fait le bon choix et la croissance de KO Média se poursuit.
EN CHIFFRES
KO Média figure au 4e Palmarès des entreprises au féminin dans la tranche des moyennes entreprises. Le Palmarès sera dévoilé le 23 janvier 2023.
Chiffre d’affaires annuel : 10 à 50 millions de dollars
Nombre d’employés : 21 à 50
Années d’existence : 7
Pratico-Pratiques : Caty Bérubé mise sur le quotidien
La mission des Éditions Pratico-Pratiques rejoint le grand public avec des contenus qui misent sur le concret pour la vie de tous les jours.
Dès la création de son entreprise, les Éditions Pratico-Pratiques, en 2003, Caty Bérubé a misé sur des contenus utiles et accessibles, sur papier, pour rejoindre le grand public. Malgré les hauts et les bas des médias imprimés, elle se retrouve, vingt ans plus tard, à la tête d’un groupe de presse en bonne santé qui regroupe sept magazines populaires et un site Web très fréquenté, en plus de collections de livres et de produits hors-série.
Les publications de Pratico-Pratiques s’intéressent essentiellement à la cuisine, à la décoration et à l’horticulture, avec des magazines comme 5-15, Je décore, Je cuisine, Je jardine, et Idées Déco. Pratico-Pratiques réalise aussi des magazines sur mesure pour des clients commerciaux, comme la Fédération des producteurs d’œufs du Québec. La mission de l’entreprise se maintient : publier des contenus qui misent sur le concret pour la vie de tous les jours.
« C’est vrai que les défis sont nombreux. Alors on reste créatif. » - Caty Bérubé
Caty Bérubé a fait ses classes. Diplômée de l’Université Laval en communication, elle a collaboré au magazine Fleurs, plantes et jardins pendant 11 ans, puis au journal Le Soleil pendant quelques années avant de créer sa propre entreprise. « Je suis à mon compte depuis 1992, dit-elle, et je me suis trouvée bien ambitieuse de me lancer en affaires. Dès le départ, nos produits ont été bien reçus. C’était bien parti. »
Et pour cause : une de ses premières publications, le guide Je transforme la mélamine, a connu un succès retentissant avec 125 000 copies écoulées. Même à cette époque encore faste pour les médias imprimés, c’était exceptionnel. Elle a toujours conservé la même recette. « Notre objectif, c’est d’aider à améliorer le quotidien des gens », souligne-t-elle. Le créneau est porteur et les magazines continuent à bien se vendre en grande surface. « Nous publions dans nos magazines des informations vérifiées, dans un excellent français révisé par des professionnels. » Le domaine des médias imprimés a été éprouvé dans les dernières années, mais les lecteurs continuent à acheter des magazines papier. « C’est vrai que les défis sont nombreux. Alors on reste créatif », conclut la femme d’affaires.
EN CHIFFRES
Éditions Pratico-Pratiques figure au Palmarès des entreprises au féminin depuis 2020. Dans les deux premières éditions du Palmarès, en 2020 et en 2021, l’entreprise se classait dans la tranche des forces vives avec un chiffre d’affaires de 5 à 10 millions de dollars. Depuis 2022, Pratico-Pratiques est dans la tranche des moyennes entreprises.
Chiffre d’affaires annuel : 10 à 50 millions de dollars
Nombre d’employés : 102
Années d’existence : 18
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