Mélissa Harvey : Chez Zorah, l’équilibre, c’est la source

 


17 décembre 2025

Photo par Vissal Ong. Pour Mélissa Harvey, l’équilibre. c’est la source.

Deux ans après avoir finalisé le rachat de ses parts dans Zorah, Mélissa Harvey pilote une entreprise bien en selle, avec un ancrage au Canada et en pleine expansion à l’international. Innovation, nouveautés et projets structurants : ces trois critères sont déterminants pour conjuguer la performance économique dans le respect de la mission sociale qui est au cœur de la marque.

Les chiffres sont éloquents : plus de 30 % de croissance l’an dernier, une présence dans 1 400 points de vente au pays. Mais aussi, des percées vers de nouveaux marchés :au Maroc, en Turquie, en France, à Dubaï, aux Émirats arabes unis et en Tunisie. La Côte d’Ivoire est aussi dans sa ligne de mire. « L’objectif est que les ventes internationales représentent 20 % du chiffre d’affaires d’ici 2026 », analyse Mélissa Harvey. Avec l’augmentation continue des prix qui composent les aliments du panier d’épicerie, les consommatrices surveillent leurs dépenses. Zorah redouble d’efforts pour maintenir l’accessibilité, car on le sait, toutes les chaînes de production essuient l’augmentation des coûts. On retrouve donc, en rayon, des patchs contour des yeux à moins de 5 $ et une eau micellaire de 400 ml à 20 $ : « Le prix est devenu un critère clé », constate l’entrepreneure. « Nos produits restent à la fois performants et abordables. »

Un développement équilibré

L’entreprise montréalaise mise sur le laboratoire et une équipe de chimistes qui sont à pied d’œuvre, afin de maintenir cette avance concurrentielle. C’est là que s’élaborent des soins aux molécules d’origine végétale, testés pour leur efficacité et leur

innocuité. « On vise 20 % du chiffre d’affaires pour les ventes à l’étranger d’ici douze mois ».

«Les clientes savent que lorsqu’un produit Zorah est lancé, il est à la fois bénéfique pour elles, pour la planète et pour les communautés qui nous approvisionnent », souligne-t-elle. Environ 60 % des ingrédients sont d’origine canadienne, et les composantes sont issues de coopératives équitables, notamment au Maroc d’où provient son ingrédient phare : l’huile d’argan.

Recadrage

En 2022, c’est l’année du « tsunami ». Le rachat des parts de son ex-conjoint déstabilise les fondations de l’entreprise. En plus de la séparation personnelle, Mélissa doit composer avec le départ de membres clé de son équipe, un bouleversement dans les opérations, et le chamboulement complet des départements comptabilité et marketing. «J’ai dû tout reconstruire seule, en mode survie », raconte-t-elle. Une épreuve qui a révélé une résilience insoupçonnée. « J’ai tout appris, et je maîtrise maintenant la comptabilité, comme la programmation des machines. Quoi qu’il arrive, je sais que je serai capable de passer à travers. » Le réajustement a permis à l’entrepreneure de repartir sur des bases solides et de déployer une vision claire : croître sans diluer la mission sociale et environnementale. Elle prépare un projet ambitieux : l’ouverture d’un spa Zorah au Maroc, pensé comme une vitrine de la marque et un moteur économique local : « C’est un endroit que je visite régulièrement depuis 20 ans. Les propriétaires ont les mêmes valeurs que nous. » Un rêve que Mélissa nourrissait depuis plusieurs années est désormais devenu réalité.

« Des options moins coûteuses existent, mais ce choix d’approvisionnement correspond à mes valeurs. »Engagement et éthique : chez Zorah, c’est la base L’engagement philanthropique reste au cœur du modèle d’affaires. En 2023, Mélissa Harvey met sur pied la Fondation Zorah, destinée à soutenir l’autonomie des femmes berbères par des bourses d’études et d’entrepreneuriat. Actuelle- ment, environ 5 000 femmes bénéficient du soutien de Zorah à travers diverses initiatives : construction de bibliothèques, formation d’enseignants, organisation de cliniques mobiles. L’impact dépasse les attentes. « C’est concret, mesurable, et ça change la dynamique dans les villages. Les jeunes filles marocaines expriment désormais le désir de devenir entrepreneures ou de poursuivre leurs études. Je viens d’un milieu modeste, et ce type de soutien et de mentorat, c’est ce que j’aurais aimé recevoir », explique Mélissa. La femme d’affaires incarne tout un modèlepour celles qu’elle côtoie. « Les femmes marocaines voient que maintenant, elles peuvent réussir », raconte Mélissa Harvey. Fatima en est un bel exemple : « Elle qui ne savait ni lire ni écrire est aujourd’hui cheffede trois villages ». Une réussite qui inspire et qui donne un sens à la mission de la marque : « Continuer à faire affaire avec ces coopératives, même si des options moins coûteuses existent ailleurs, c’est monchoix et cela correspond à mes valeurs », soutient-elle.

Un modèle exemplaire

En 2024, l’entrepreneure a reçu la Médaille du couronnement du roi Charles III, qui récompense sa contribution au commerce équitable et à l’autonomisation des femmes. Cette distinction, dit-elle, « ouvre des portes » et renforce la marque alors que la transparence et les engagements mesurables deviennent des critères pour les nouvelles générations. « Les consommatrices veulent savoir à qui elles donnent leur argent et ce que ça change vraiment.» Pour les prochaines années, la feuille de route est claire : consolider la présence au Canada, accélérer l’exportation, multiplier les projets à impact et maintenir un rythme soutenu d’innovation. Avec tout ça, Mélissa Harvey tient à préserver une structure souple, capable de s’adapter rapidement. «Je ne veux pas que la croissance nous déconnecte de nos valeurs. On ne court pas après la taille, on court après le sens.»

 
 
 
Sylvie LemieuxPrintemps 2025