Geneviève Desautels: l'innovation sociale pas à pas avec Éduc’Alcool

 

30 septembre 2024

Geneviève Desautels a lancé plusieurs entreprises, travaillé au sein de grandes organisations et enseigné à l’université avant d’atterrir chez Éduc’Alcool, pour en adapter le modèle aux réalités actuelles.

Stéphane Desjardins

« Il n’y a pas une très grande différence entre une PME et un OBNL, sauf celle de se faire accompagner par un conseil d’administration », explique celle qui, justement, obtenait il n’y a pas si longtemps sa certification d’administratrice.

Geneviève Desautels a un parcours unique. Passionnée de voyages, enseignante de yoga et de méditation pleine conscience en entreprise, diplômée en ressources humaines et en relations industrielles à l’Université de Montréal, détentrice d’un MBA de l’École des dirigeants de HEC Montréal, elle y a enseigné pendant 18 ans. Après 16 ans dans le monde des affaires, dont 9 chez Hydro-Québec, elle quitte la société d’État pour lancer sa propre PME : « J’ai dit “bye-bye boss”, car je voulais passer d’intrapreneure à entrepreneure », confie-t-elle.

Comme coach personnelle certifiée, elle cofonde en 2016 la firme de conseil agile Amplio Stratégies, qui se concentre sur les pratiques de leadership, de stratégies et de trans-formations pour la PME et la grande entreprise. Trois ans auparavant, elle fondait illuxi, une firme techno desservant experts et organisations, dont les solutions permettent de concevoir, d’héberger et de commercialiser des formations en ligne immersives et interactives. En 2020, elle lance une filiale européenne, Amplio-illuxi Europe et cofonde Examen Dux, une solution technologique d’accompagnement et de surveillance d’examens en ligne.

Éduc’Alcool ne part pas de rien. La marque est bien établie au Québec. Sa notoriété est de 72 % chez les francophones, et 92 % de la population juge l’organisme crédible. « Même de grandes entreprises comme Bombardier n’obtiennent pas de tels résultats », commente-t-elle. Cela dit, on se doit de mesurer davantage la portée de notre travail en s’inspirant des meilleures ONG mondiales.

Geneviève Desautels

« L’organisation est partie d’une culture de l’ivresse pour imprimer une culture de la modération, reprend-elle. On a tenu compte de l’évolution de la science et des comportements sociaux. » - Geneviève Desautels

Elle a aussi collaboré à plusieurs médias, dont Les Affaires, le magazine Gestion et Facteur H ; elle a également publié, en 2012, Oser le monde en soi : Choisir d’être et agir en leader authentique, puis, en 2016, DÉCLIC : 4 étapes simples pour passer de la conscience à l’action (Béliveau Éditeur). Elle lance également l’émission Planète business au FM 103,3 ainsi que la série de balados Femmes de tête à QUB radio, coanimée avec Ève Lévesque.

La maman de deux jeunes femmes connaît donc le succès en affaires lorsqu’elle reçoit un appel d’un chasseur de têtes en juin 2021. Ce dernier cherche un remplaçant à Hubert Sacy, le fondateur et illustre DG d’Éduc’Alcool, en poste depuis 32 ans. « Il cherchait une personne capable à la fois de diriger l’organisme, d’en devenir le porte-parole, mais aussi d’imprégner une direction nouvelle, se souvient-elle. Je trouvais ça bizarre qu’il me contacte, alors que j’étais entrepreneure. Mais il a fait mouche sachant qu’Éduc’Alcool est avant tout une entreprise d’éducation, ce qui est mon domaine, et qui s’intéresse à l’alcool, une réalité sociale complexe, qui demande de la nuance, qui implique le leadership de soi et des choix conscients. »

En janvier 2022, Geneviève Desautels vend ses entreprises et devient DG d’une organisation qui ne compte que deux autres employés. Le modèle d’affaires d’Éduc’Alcool est simple et s’apparente à celui d’une consigne : pour chaque bouteille, la SAQ lui verse une redevance de un à trois cents.

Éduc’Alcool est née d’un besoin pressant. Il y a 35 ans, l’alcool faisait des ravages dans la société, notamment sur les routes. « L’organisation est partie d’une culture de l’ivresse pour imprimer une culture de la modération, reprend-elle. On a tenu compte de l’évolution de la science et des comportements sociaux. »

En 2024, le contexte postpandémique a bouleversé bien des certitudes et des comportements. Une direction nouvelle s’impose alors : il faut revoir le modèle d’affaires, en diversifiant notamment les revenus. Elle entend ainsi travailler avec des marques pour rejoindre des clientèles ciblées, comme les aînés, car la population vieillit et la solitude s’étend. La nouvelle approche de partenariats est inédite. D’autant plus qu’Éduc’Alcool doit composer avec une perception qui complique son travail : le public croit que l’OBNL est un organisme gouvernemental. « À cause de ça, on a moins d’attraction sur les réseaux sociaux. »

Autre difficulté, mais passagère, celle-là : à Québec, des élus ont contesté le choix de mots de la campagne « Check ton verre » ciblant les jeunes, destinée à contrer la drogue du viol. On était alors en plein débat autour de la fameuse publicité gouvernementale sur la qualité de la langue, avec le faucon « vraiment sick ».

Geneviève Desautels revient sur la mission première d’ÉducAlcool : permettre aux gens de faire des choix éclairés. « Dans le fond, nous sommes perçus comme une boîte de communication, dit-elle. Ça va changer. » L’OBNL a modifié ses règlements et sa gouvernance, notamment pour ouvrir ses effectifs, qui proviennent essentiellement de l’industrie. « Dans la prochaine année, nous allons miser avant tout sur les compétences, l’appartenance et l’indépendance, poursuit-elle. L’an prochain, notre CA sera complètement renouvelé. »

Éduc’Alcool ne part pas de rien. La marque est bien établie au Québec. Sa notoriété est de 72 % chez les francophones, et 92 % de la population juge l’organisme crédible. « Même de grandes entreprises comme Bombardier n’obtiennent pas de tels résultats, commente-t-elle. Cela dit, on se doit de mesurer davantage la portée de notre travail en s’inspirant des meilleures ONG mondiales. »

« Dans la prochaine année, nous allons miser avant tout sur les compétences, l’appartenance et l’indépendance, poursuit-elle. L’an prochain, notre CA sera complètement renouvelé. » - Geneviève Desautels

Geneviève Desautels entend cerner les indicateurs les plus pertinents et se fixer des cibles afin de pousser plus loin les notions de choix éclairés. Une nouvelle campagne de promotion est en préparation dans le contexte du 35e anniversaire, en octobre, avec André Robitaille comme ambassadeur. « Il faut aller plus loin que “la modération a meilleur goût”, insister sur l’importance de choisir de consommer ou non, selon le contexte. »

« Il faut aller plus loin que “la modération a meilleur goût”, insister sur l’importance de choisir de consommer ou non, selon le contexte. » - Geneviève Desautels

Elle veut aussi explorer les effets de l’alcool sur la santé mentale, physique et sociale. L’organisation cessera de se concentrer sur les quantités consommées, parce que les experts ne s’entendent pas sur ces notions considérées dépassées par certains, même si la science avance à vitesse grand V sur ces sujets. « Même s’il est clair que nous ne sommes pas égaux devant l’alcool pour des raisons physiques, génétiques et sociales, on va insister sur ce qui amène les gens à consommer de l’alcool : célébrer, déguster, susciter des émotions positives, lutter contre l’anxiété, la déprime, la timidité... »

Éduc’Alcool veut rejoindre massivement les jeunes, avec des contenus adaptés pour le numérique : « Nous offrons des conseils en misant sur l’inclusivité, tout en démocratisant une information que peu de gens maîtrisent adéquatement », insiste une Geneviève Desautels au sommet de sa forme de communicatrice et de gestionnaire.