Haute couture - l'étoffe du style

 

20 juin 2025

Un besoin d’authenticité a incité la haute couture à s’ouvrir à la mode urbaine, puis à l’absorber, selon Pierre-Yann Dolbec. Ce professeur de l’École de gestion John-Molson affirme que les collaborations entre les maisons de haute couture établies et les marques émergentes, bien que fructueuses, sont destinées à un public établi.

Pendant des décennies, la haute couture s’est distinguée par l’exclusivité des créations, les prix et la culture, qui en font une chasse gardée protégée par les grandes marques. Mais un changement s’est produit ces dernières années, et les marques de luxe qui dictaient autrefois les goûts se sont mises à emprunter, à intégrer et même à adopter pleinement les créateurs et les styles issus de la culture de la rue. Ainsi, chez Louis Vuitton, Gucci et Balenciaga, les chandails à capuchon, les baskets et les t-shirts imprimés se vendent désormais à prix d’or. Comment cette transformation s’est-elle produite ? Et, surtout, qui en bénéficie vraiment ?

Dans une étude publiée dans le Journal of Marketing Research, Pierre-Yann Dolbec, professeur agrégé au Département de marketing de l’École de gestion John- Molson, examine comment les créatrices et créateurs de mode urbaine sont entrés dans le monde de la haute couture.

Cette évolution a permis à certains de gagner en visibilité et en statut, alors même que les marques de luxe consolidaient leur prestige.

Car ce sont ces entreprises qui produisent
et commercialisent les vêtements. « En absorbant la mode urbaine de luxe et ses créatrices et créateurs, certaines marques valorisent les créateurs et font connaître une culture de rue qui parle d’elle-même.
Les créateurs font entrer la mode urbaine dans les marques de luxe et renforcent ainsi l’héritage traditionnel de ces marques. » Pierre-Yann Dolbec indique que cette hybridation relativement nouvelle de la mode urbaine et de la haute couture sert à la fois les maisons de couture d’élite et les créateurs de manière réelle mais très différente.
Selon lui, cette hybridation s’est produite selon deux principaux processus. Tout d’abord, « les créateurs
de mode urbaine ont associé le style de la rue avec la qualité et l’exclusivité du haut de gamme, inventant ainsi une nouvelle catégorie qui englobait les deux mondes. Pensez à des baskets et chandails à capuchon en édition limitée, fabriqués en Italie au moyen de cuirs et de tissus haut de gamme », explique-t-il. Des maisons renommées, de Louis Vuitton à Dior, ont commencé à recruter des créateurs de mode urbaine ou à intégrer des styles urbains – comme les chandails à capuchon et les grosses chaussures sport – dans leurs collections. Des collaborations très médiatisées, comme la collection Louis Vuitton x Supreme de 2017, ont fait les gros titres. « Ce fut un événement qui a signalé à l’industrie – et au monde – que les anciennes règles d’exclusivité ne s’appliquaient plus, affirme Pierre-Yann Dolbec.
La culture de la rue était passée de la contre-culture aux passerelles des défilés de mode. » Si ce changement – qui a fait grand bruit – a donné l’impression que la mode devenait plus démocratique et authentique, Pierre-Yann Dolbec fait valoir que ce sont les maisons d’élite qui détiennent encore les cordons de la bourse et les codes traditionnels du monde de la mode. Bien que cette relation semble favoriser les grandes marques, Pierre-Yann Dolbec estime que
les créateurs de mode urbaine peuvent tirer parti de nouvelles avenues de création.

Premières en affaires reçoit l’appui financier de L’École de gestion John-Molson de l’Université Concordia.