MÉLANIE THIVIERGE | L’information a de l’avenir

 

6 mars 2025

Désinformation, fausses nouvelles, bulles sur les réseaux sociaux, chambres d’écho et algorithmes pernicieux. Comment peut-on continuer à s’informer aujourd’hui ? Mélanie Thivierge, qui vient d’être nommée première directrice à Ici Première, la radio de Radio-Canada, estime que les médias d’information ont encore de belles années devant eux. La décision de groupes de presse européens de conserver dans leurs portefeuilles des chaînes et supports dits traditionnels lui donnent raison.

Selon une étude présentée à l’UQAM cet automne, un Québécois sur deux est d’avis que les médias traditionnels manipulent l’information qu’ils diffusent. Si la majorité des Québécois font confiance aux médias traditionnels, 42 % s’y fient peu ou pas du tout. C’est dans ce contexte que Mélanie Thivierge prend ses fonctions comme première directrice d’Ici Première, la station de radio généraliste de Radio-Canada. Cette professionnelle d’expérience aborde ce mandat avec confiance. La crise des médias, alimentée par la puissance des géants de l’Internet, Google (Alphabet), Apple, Facebook (Meta), Amazon et Microsoft, les GAFAM, amène de nouvelles possibilités pour la diffusion de l’information.

Après des études en communication à l’Université de Sherbrooke, Mélanie Thivierge fait un stage d’été au magazine Clin d’œil et décroche un poste de réviseure. À la fin des années 2000, on lui confie le rôle de rédactrice en chef des magazines Coup de pouce et Châtelaine. Entre 2012 et 2017, elle contribue au lancement de La Presse+ comme directrice de contenus et directrice principale de l’information. Elle a aussi dirigé le Y des femmes pendant quatre ans avant de revenir à La Presse.

Mélanie Thivierge connaît bien la presse et le métier de journaliste, qui consiste à tout remettre en question, en permanence. « Ils doutent, ils critiquent, ils défient les idées reçues. Quand on dirige une équipe de journalistes, on a droit à ce traitement en permanence. » Elle juge important de cultiver cette collaboration, de brasser des idées, de se remettre en question et de se tenir loin des recettes établies. Pour Mélanie Thivierge, les médias constituent des organisations avec des cultures fortes, qui ont une empreinte importante sur la culture québécoise. Et ça ne changera pas.

Mélanie Thivierge vient d’être nommée première directrice d’Ici Première, la radio de Radio-Canada.

Car ce n’est pas seulement l’avenir des médias d’information qui se joue : la prééminence des médias sociaux amène une propagation de fausses nouvelles et permet la circulation d’informations non vérifiées. « Dans ce contexte, on a besoin plus que jamais des journalistes, avance Mélanie Thivierge. Les médias doivent se réinventer constamment, en faisant preuve de souplesse et d’agilité organisationnelle. Ça fait 20 ans que je dirige des équipes dans les médias et tous les deux ans, on déclare qu’on vit une année de changement sans précédent. »

Chose certaine, c’est de plus en plus difficile pour un journaliste de rester pertinent dans une ère de l’économie de l’attention où tous les contenus sont en concurrence pour capter le temps des utilisateurs. Le blocage des médias par Meta a aussi montré à quel point la dépendance envers des modes de diffusion externes était risquée. Ceux qui ont maintenu une marque forte et un lien direct avec leur auditoire s’en sont mieux sortis. Mélanie Thivierge donne l’exemple des modèles de financements inspirés de la philanthropie qui ont bien marché, tant à La Presse que pour The Guardian au Royaume-Uni. Toutefois, si les « murs payants » fonctionnent pour le New York Times, la situation diffère au Québec. Pour Mélanie Thivierge, l’intérêt est quand même bien présent : « Le public s’intéresse aux débats de société et à l’actualité internationale ; il ne consomme pas seulement des recettes ou des tutoriels de mode sur Instagram. Les gens ne suivent pas seulement les influenceurs, ils s’informent. La curiosité est là. On doit les engager et solliciter leur opinion. »

Pour Mélanie Thivierge, les médias sont des organisations avec des cultures fortes, qui ont une empreinte importante sur la culture québécoise.

Les grands médias ont les moyens de cultiver des relations avec leur public grâce à des stratégies sophistiquées : « Qui aurait pu prévoir l’explosion des infolettres par courriel ? », s’interroge Mélanie Thivierge. « Au début des années 2000, certains collègues me disaient que je n’avais pas connu les bonnes années. Effectivement, les obstacles sont nombreux et exigent beaucoup d’énergie et de créativité, mais c’est tout à fait réalisable. On connaîtra peut-être un nouvel âge d’or. Je ne peux rien prédire, mais je constate que plusieurs médias embauchent à nouveau des journalistes. C’est déjà un signe. »

LA CONCURRENCE SUR LES PLATEFORMES BROUILLE LES MESSAGES.

34 % des répondants pensent que les preuves de contacts avec des extraterrestres sont cachées au public.

25 % des répondants pensent que le gouvernement ment sur la nocivité des vaccins.

20 % des répondants pensent que des technologies de contrôle de la pensée sont utilisées à l’insu du public.

19 % des répondants pensent que les « élites » se servent de l’immigration pour remplacer la population.

15 % des répondants pensent que la COVID est une tentative de contrôle de la population par le pouvoir.

13 % des répondants pensent que la guerre en Ukraine a été fabriquée pour détourner l’attention.

12 % des répondants pensent que le féminisme est une stratégie pour permettre aux femmes de prendre le contrôle de la société.

12 % des répondants pensent que le réchauffement climatique n’existe pas.

Ces statistiques sont issues de l’analyse du sondage présenté à la 2e édition du colloque international sur l’éducation aux médias et à l’information (ÉMI) tenu à l’UQAM le 18 octobre 2023. Les données du sondage ont été compilées par Léger.