Cahier immobilier: un avenir de proximité

 

Mise à jour le 23 juin 2025

Fini le centre commercial axé sur la mode, avec de grandes surfaces aux extrémités. Les avenues marchandes de Montréal et des autres villes du Québec continuent à se transformer. Bienvenue dans les centres d’achats de destination, où les stationnements vont jouxter des bureaux ou des hôtels. Ce serait la tendance du développement urbain au Québec. Stéphane Desjardins en a parlé avec Marie-France Benoit.

Pour Avison Young, une firme de conseil, courtage et gestion immobilière, les villes grossissent, les terrains se font rares et les besoins en habitation sont plus forts que jamais. La densification incite à bâtir, ailleurs, des quartiers où l’on peut tout faire : habiter, consommer, et se divertir.

Les centres d’achats seraient au cœur de cette transformation planifiée par les décideurs : « Ils sont stratégiquement situés aux carrefours d’autoroutes et près des grands axes de transports en commun. Plusieurs se transforment en TOD (transit oriented development). » L’acronyme TOD désigne des projets immobiliers axés autour de gares de métro ou de trains de banlieue : le Dix-30/Solar Uniquartier autour du REM à Brossard, les stations de métro Longueuil ou Montmorency et Cartier à Laval, le prolongement de la ligne bleue sous les Galeries d’Anjou ainsi que l’éventuelle transformation de la Place Versailles. Car les centres commerciaux représentent probablement la plus vaste surface de terrains qui s’offrent au développement immobilier dans les zones urbaines. S’ils étaient autrefois partie intégrante du développement des banlieues axées sur la voiture individuelle, la donne a maintenant changé.

« Sauf le Royalmount, il ne s’est pas construit de centres d’achats majeurs au Québec depuis les années 1980, reprend Marie-France Benoit. Et les derniers power centers remontent aux années 1990. Depuis, les banlieues se sont massivement peuplées et densifiées : et on a vu apparaître des grappes de villégiatures un peu partout au Québec. La mixité actuelle des projets immobiliers, où l’on trouve hôtels, bureaux, appartements, condos et commerces, ça n’existait pas dans les années 1970. Les bureaux étaient au centre-ville, les parcs industriels loin des banlieues, où des petits pavillons étaient de mise. Aujourd’hui, la construction

Les résidents consomment sur place dans les restaurants et services qui s’installent dans les espaces abandonnés par les anciens Sears ou Zellers.

dans des champs, c’est terminé. » Même hors de Montréal, on peut constater ce phénomène de densification. Par exemple, à Sainte-Foy, les mégas centres d’achats sont désormais intégrés à Québec.

« La mixité actuelle des projets immobiliers, où l’on retrouve hôtels, bureaux, appartements, condos et commerces, ça n’existait pas dans les années 1970. Les bureaux étaient au centre-ville, les parcs industriels loin des banlieues, où des petits pavillons étaient de mise. Aujourd’hui, la construction dans des champs, c’est terminé. »

Dans ce contexte, les vastes terrains de stationnement des centres d’achats deviennent très attrayants pour les promoteurs immobiliers. Ils ne représentent plus une utilisation optimale de terrains dont la valeur a explosé. « Le centre-ville de Montréal demeure un pôle majeur, diversifié, mais il se développe actuellement plusieurs pôles satellites hors de l’île de Montréal, où les terrains sont moins dispendieux. » On y voit une bonne concentration d’unités d’habitation, mais aussi une offre institutionnelle (universités, cégeps, services gouvernementaux) et commerciale. Les futures stations du REM vers l’ouest vont dans ce sens. La tendance à la concentration de services rentabilise les projets en hauteur. « Les terrains des centres commerciaux valent plus cher avec des tours qu’avec des stationnements, analyse-t-elle.

Quand un promoteur amortit le coût d’un projet, il l’applique à l’ensemble du terrain. Les projets en hauteur sont plus rentables économiquement et écologiquement, car les services sont moins éparpillés et exigent moins de déplacements s’ils sont concentrés au même endroit ; il y a donc moins de pollution liée au transport. » Les promoteurs qui visent des certifications carboneutres ou LEED, souvent exigées des prêteurs et clients, apprécient davantage un projet desservi par le transport en commun. L’ajout d’immeubles en hauteur précipite la transformation des centres commerciaux. Les résidents des nouvelles tours consomment sur place dans les restaurants et services qui s’installent dans les espaces abandonnés par les anciens Sears ou Zellers. On voit ainsi des centres d’achats qui abritent des cliniques médicales, des salles de cours, des théâtres, des centres d’escalade, des cinémas, des concessionnaires automobiles, des spas, des manèges, des jardins, des fontaines et des terrasses. Selon les données disponibles, les consommateurs dépensent davantage qu’avant dans les services, et les lieux s’adaptent à cette demande. La mixité a désormais la cote.